JS Coutu

THE SIMS ONLINE À LA DÉRIVE

Par Jean-Sébastien Coutu, M.Sc.

Inaugurée en grande pompe le 17 décembre 2002, la version multijoueurs de The Sims tarde à recruter des citoyens. Après 9 mois d’opération, ils ne sont qu'une centaine de milliers à fréquenter le microcosme virtuel de The Sims Online, dont beaucoup gratuitement puisque chaque copie du jeu est accompagnée d’une période de trois mois d’essai. La société Electronic Arts (propriétaire de Maxis depuis 1997) avait pourtant fixé son seuil de rentabilité à 200 000 abonnés payants et avait même prédit qu’il s’en trouverait au moins 1 million à ce stade-ci de l’année pour payer 9,99 $/mois, un frais d’abonnement parmi les plus bas proposés par l’industrie du jeu en ligne.

Galvanisés par les succès de Sony et de son jeu EverQuest (430 000 abonnés à 12,99 $/mois), les gens de Electronic Arts pensaient pouvoir faire mieux encore et se sont lancés dans un projet d’une envergure unique. Le développement du logiciel The Sims Online aurait coûté à lui seul 25 millions de dollars, du jamais vu. EA s’est aussi doté d’une gigantesque plate-forme de serveurs, théoriquement capable d’accueillir plusieurs millions de joueurs quotidiennement, s’imposant dès lors comme le titan d’un marché en pleine émergence.

Si des dizaines de millions de joueurs enthousiastes ont trouvé plaisir à s’inventer une vie dans la version solitaire de The Sims (lancée en 2000), il en va autrement pour The Sims Online qui table sur la cohabitation forcée entre des avatars manœuvrés par des êtres humains qui n’ont finalement rien à se dire. Un client, mécontent de son expérience, témoigne sur Amazon.com du silence de mort qui règne la plupart du temps en ces lieux où personne ne discute. « Sinon, des marmots débarquent pour vous insulter sans raison et il n’y a personne pour recevoir votre plainte, écrit-il. » Un autre affirme avoir été embrassé et tripoté sans son consentement par un inconnu manifestement encouragé par les applaudissements d’un public obscène et injurieux. La célébration du quotidien (manger, nettoyer, travailler, dormir) prend aussi des allures de chaos alors que les joueurs se disputent les décors, les emplois, l’argent et même l’organisation des fêtes. Pis encore, les joueurs, à qui Electronic Arts avait promis une jolie ville et toutes les attractions que cela suppose, se plaignent d’évoluer dans un univers décousu, voire hostile, où l’unique objectif demeure de développer des habiletés personnelles dont personne n’a malheureusement cure.