JS Coutu

DES SINGES ÉCHOUENT À RÉÉCRIRE SHAKESPEARE

Par Jean-Sébastien Coutu, M.Sc.

Elmo, Gum, Heather, Holly, Mistletoe et Rowan, six macaques pensionnaires du zoo de Paignton (Royaume-Uni), ont échoué à reproduire ne serait-ce qu'un seul mot de l'œuvre de Shakespeare. C'est ce qu'ont annoncé récemment les responsables d'une expérience menée par le Institute of Digital Arts and Technologies de l'Université de Plymouth. Les cobayes, à qui on a prêté un micro-ordinateur durant tout un mois, se sont acharnés sur de nombreuses lettres de l'alphabet sans pour autant accoucher d'une seule syllabe. "Évidemment, l'anglais n'est pas leur langue maternelle, a déclaré Mike Phillips, responsable du projet."

L'expérience visait à démonter une vieille théorie évolutionniste de Thomas Huxley (1860) selon laquelle "un nombre indéterminé de singes tapant sur un nombre indéterminé de dactylos reproduiront éventuellement une littérature connue." Une théorie reprise et défendue plus tard par les scientifiques Émile Borel (1904), James Jeans (1930) et Stephen Hawking (1988) qui ont estimé comme certaine la probabilité qu'un groupe de singes tapant des pages de texte à l'aveuglette finissent par enchaîner plusieurs sonnets de Shakespeare, sinon l'œuvre complète. Mais cette hypothèse agace les communautés artistiques qui trouvent intolérable l'idée que le processus créatif puisse être reproduit par hasard et par des animaux. C'est l'avis déclaré du England's Arts Council, un organisme culturel britannique, qui finança entièrement l'expérience.

"Le mâle dominant a d'abord ramassé une pierre et s'en est servi pour frapper l'intrus, a rapporté Phillips." Ses acolytes ont poursuivi en urinant et en lançant de la nourriture sur le clavier AZERTY. Mais après quelques jours, les singes se sont habitués à la présence du micro-ordinateur et ont fini par pianoter 13 000 caractères, tant avec leurs pieds qu'avec leurs mains. À défaut de suites de caractères intelligibles, les caméras de surveillance ont néanmoins capté des gestes qui trahissaient d'apparents "degrés d'intention", aux dires des chercheurs. "Ils étaient très intéressés par l'écran et ont remarqué que quelque chose se produisait chaque fois qu'ils tapaient une lettre, a expliqué Phillips qui croit que les singes sont dotés d'une conscience et de réelles capacités d'apprentissage. L'expérience a démontré que les singes ne sont pas des générateurs de hasard. Ils sont plus complexes que ça."

L'équipe de chercheurs a cependant admis que l'expérience se voulait davantage une "performance artistique" qu'une "expérience scientifique" et que l'œuvre produite par les macaques était d'abord destinée à être exposée au Spacex Gallery, une galerie d'art anglaise.